La surexploitation d'un fait divers à des fins racistes est un procédé qui a une histoire. En France on ne se souvient pas assez de 1973. Cette année-là, le meurtre à Marseille d'un traminot par un homme de nationalité algérienne avait donné lieu à une féroce campagne de presse.
Dans le quotidien marseillais Le Méridional, l'éditorialiste Gabriel Domenech, futur cadre du FN, vocifère : «Nous en avons assez de cette immigration sauvage qui amène dans notre pays toute une racaille venue d’outre-Méditerranée.» L'omnifachosphère de 2022 n'a rien inventé.
«Peut-on vivre avec les Arabes ?», s'interroge le Nouvel Obs, tandis que Paris-Match reformule la question dans la langue des Dupont-Lajoie : «Les "bicots" sont-ils dangereux ?» Au même moment, dans le midi de la France, s'amorce une longue et meurtrière série de crimes racistes.
Tabassages, assassinats, attentats à la bombe. Le sang coule dans la rue, les foyers Sonacotra, les boîtes accusées de recruter des immigrés. Flics, militaires, mafieux, ex-OAS ou fascistes de circonstance, tout le mijoté du colonialisme tricolore remonte brutalement à la surface
pour assouvir ses pulsions et venger la perte de l'Algérie française. On ne connaîtra jamais le nombre exact de victimes. L'ambassade d'Algérie en France parlera de 50 morts. La sociologue Rachida Brahim a décompté 17 homicides racistes à Marseille en 1973,
mais la plupart des assassins n'ont pas été identifiés. Bâclées, les enquêtes finissent le plus souvent par des non-lieux. Quant aux médias et journalistes qui ont excité la meute, ils n'ont jamais, eux non plus, eux surtout pas, eu de comptes à rendre.
À lire notamment :
https://www.syllepse.net/la-race-tue-deux-fois-_r_65_i_821.html